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mercredi 9 avril 2014

Mes chroniques préférées de GirlsandGeeks.com - Part 2.

Extrait n°4 (mon article préféré) : 

Donc, j’ai décidé de me REmettre au sport. (Je vous jure, on va finir par y arriver mes amis…)

On a tous un passif avec le sport. Le mien se résume par : j’aime pas ça. Pour une raison simple : je suis nulle en sport. Je tiens à être honnête, si j’avais été forte en gym, je n’aurais pas nourri la même détestation. Et tout ça, c’est la faute de l’Education Nationale. (Si un jour j’ai une maladie qui aurait pu être évitée avec une pratique régulière du sport, je compte bien intenter un procès à l’Etat.)

Pour revenir au sport, j’ai en détestation absolue les sports collectifs. Parce qu’à l’école j’étais le boulet dont personne ne voulait dans l’équipe.

J’ai horreur de tous les sports avec ce qu’on nomme dans les fiches pédagogiques de l’Education nationale un « référent bondissant » – ce que la plèbe appelle vulgairement un ballon.

Et puis, il y a eu le drame de la gym, un drame dans lequel une certaine Claire de C. a joué un rôle primordial. Du CP à la 3ème, Claire de C. a été dans ma classe. Cette fille cumulait les raisons pour qu’on la déteste : elle était pétée de thune, pimbêche, jolie, populaire, pimbêche, très bonne élève, pimbêche, ses cahiers étaient toujours impeccables alors que les miens malgré tous mes efforts ressemblaient à l’expression artistique d’une enfant autiste. Bref, Claire de C. était une mini-pute que j’aurais voulu voir brûler en enfer pour lui voler sa vie.

Le jour du drame, nous sommes dans les années 80’, dans un gymnase qui pue, avec tapis de sol à mycoses et cheval d’arçon. On est tous sagement debout devant les tapis de sol. Jusque là, les cours de sport ne ressemblaient à rien sinon à un vaste foutoir dans lequel on s’ébrouait en toute innocence comme de jeunes daims. Mais à compter de ce jour, une chose horrible s’est produite : l’égalité a disparu. Ce jour-là, on a découvert qu’il existait un classement, une hiérarchie, voire carrément un fossé entre les forts et les gros nullards.

Ce jour-là, le prof nous a demandé de faire la roue.

On allait passer un par un, devant le reste de la classe. (Là, y’a clairement matière à gagner mon procès contre l’Education Nationale pour préjudice moral grave.) Il demande d’abord à Claire de C. de commencer parce que cette petite pute, non contente de nous écraser à tous les niveaux, était en prime championne de GRS.


Claire s’est approchée du tapis de sol, droite comme un i, a posé ses mains par terre et s’est lancée avec grâce dans ce qu’il faut bien qualifier de plus belle roue jamais exécutée par un être humain. Y’a eu un moment de stupeur dans l’assemblée. Ensuite, le prof lui a demandé de la refaire mais au ralenti (pfff… trop facile quoi) pour que nous observions bien la perfection de ses mouvements. Elle a refait sa roue, absolument impeccable, les jambes tendues vers les astres, le buste droit, dans un alignement parfait de tout le corps. Cette roue-là, c’était presque la preuve de l’existence de dieu.

Moi, j’étais un petit oisillon maladroit et innocent. Je n’avais même pas encore découvert que j’avais un sérieux problème de coordination de mes mouvements. Et surtout, je pensais naïvement que si un prof me demandait de faire quelque chose, le prof étant un adulte qui avait toute la sagesse du monde, c’est qu’il savait que j’y arriverais. Parce que soyons clairs : quel intérêt de demander à un gosse de faire un truc qu’il ne sait pas faire ? A part si on veut l’humilier profond.

Donc quand ça a été mon tour, j’étais plutôt confiante.

Sauf que déjà, je partais avec un handicap, à savoir que je portais un jogging rouge de la coupe dite « on sait pas si j’ai fait caca dedans ou si je porte encore des couches ». (Claire, elle, portait d’élégants caleçons moulants. Dans les années 80’, le caleçon était considéré comme un objet élégant, oui, surtout s’il était avec des motifs bariolés.) Je préfère passer pudiquement sur cette scène où mes bras se sont révélés incapables de se tendre, où mes jambes sont restées repliées et où, à un quart de roue, elles sont retombées comme deux enclumes sur le tapis de sol – de toute façon j’avais pas réussi à les lever au-delà de 60 centimètres, donc autant dire que les faire passer au-dessus de ma tête c’était pas envisageable. Tout cela pour exécuter ce qu’il faut bien qualifier de plus réussie imitation de crapaud constipé. Cette roue-là, c’était la preuve de l’existence du dieu du caca (poo’s god) et petite chanceuse que j’étais, il m’avait choisie pour être sa représentante sur terre.

La classe a éclaté de rire et je suis restée stupéfaite. Pourquoi j’y arrivais pas alors que ça avait l’air tellement facile pour les autres ?

Ayant une force de caractère proche de zéro, j’en ai conclu une chose : j’étais nulle en sport. C’était inné. Il ne servait à rien de lutter.

Comme j’avais vraiment pas le cul bordé de nouilles, du CP à la 3ème, je me suis tapée tous les cours de gym avec Claire de C. Et je suis devenue le cauchemar des profs de sport.
Le reste de ma scolarité, quand je pensais à la vie des adultes, je me disais systématiquement que c’était une vie sans cours de sport. Donc une belle vie.

Partant de là, c’était pas gagné pour que je refoute spontanément les pieds dans un endroit dédié à la pratique d’un sport.