Aujourd’hui, nous allons parler du premier film de Jordan Peele qui fait un carton mondial : Get Out. Se faire peur au cinéma est toujours une émotion tout à fait singulière. Et puis il y a ces moments vraiment marquants, comme celui vécu avec Get Out, où tu ne regrettes pas d'avoir posé tes fesses dans un fauteuil pour te refiler du frisson bien lancinant parcourant tout ton épiderme, te refiler des chaleurs de pré-ménopausées et le regard écarquillé d'un gamin découvrant la vie...
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Synopsis : Couple mixte, Chris et sa petite amie Rose filent le parfait amour. Le moment est donc venu de rencontrer la belle-famille, Missy et Dean lors d’un week-end sur leur domaine dans le nord de l’État. Chris commence par penser que l’atmosphère tendue est liée à leur différence de couleur de peau, mais très vite une série d’incidents de plus en plus inquiétants lui permet de découvrir l’inimaginable.
Tout roule pour Chris dans la vie, ça oui : photographe talentueux, sa copine et lui semblent en osmose. Mais voilà qu'une présentation officielle dans la belle-famille s'impose après cinq mois de relation et ce qui va amener Chris à grincer des dents. Si cela rappelle de nombreux souvenirs chez chacun, ce qui préoccupe notre héros va être de se retrouver dans une famille blanche lorsque lui est noir et visiblement accoutumé au racisme ordinaire. Qu'à cela ne tienne, Chris est amoureux. Il fait le geste et part rencontrer toute la famille. Très vite, au gré de rencontres d'apparence bienveillantes, le malaise prend place et saisit Chris pour ne plus le quitter. Et cette sensation va s’accentuer lorsque tout le voisinage débarque pour une grande fête organisée par son beau-père. Regards insistants, insinuations très lourdes, tout le monde semble vouloir prouver à Chris que les afro-américains sont leurs meilleurs amis. Mais tout cela semble trop beau pour être vrai. Pire, les seules personnes de couleur présentes lors du week-end sont deux domestiques au comportement très étrange et un jeune homme tout aussi bizarre en couple avec une femme de deux fois son âge. Et rapidement, Chris va devenir le sujet d'un intérêt malsain et dérangeant...
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Si ce film est présenté comme un film d’horreur, je dirais qu’il se révèle être un excellent thriller, et dès le départ, Get Out joue vraiment avec les nerfs du spectateur. Même si on sait qu’il se passe des choses bizarres dans cette famille qui semble être "la parfaite famille américaine bien sous tous rapports", il est difficile de mettre le doigt sur l’origine de ce malaise. Que ce soit le temps d'une scène muette de bingo, d'une agression fulgurante, ou encore de larmes coulant sur un sourire comme une expression schizophrène, les enjeux de la survie se tendent, tout en intrigant le spectateur qui meurt d'envie de connaître ce que l'on lui cache. Une fois que la machine est partie, il est impossible de l’arrêter et nous pouvons seulement subir l'impuissance du personnage et le piège qui se referme sur lui, notamment lorsqu'il est plongé dans un tunnel d'apesanteur sombre, qu'on nommera "le gouffre de l'oubli" . Ce puissant malaise est renforcé par la justesse du casting où le plus petit rôle est préparé et casé à la perfection dans l'histoire.
Film coup de poing, Get Out montre qu’il est toujours difficile voire dangereux d’être un jeune homme noir dans une société américaine définie par et pour l’homme blanc. Surtout, il souligne habilement que le racisme ne prend pas toujours les traits d’écervelés violents et incultes ou encore du néo-nazi traditionnellement dépeint dans le cinéma américain mais peut être ancré chez la personne à l’aspect le plus ouvert. Ainsi, Get Out met en exergue une autre forme de racisme envers les noirs. Un racisme moins tangible mais tout aussi dangereux puisqu’il sévit à travers le comportement maladroit et parfois hypocrite d’une communauté blanche libérale, censée être aux antipodes de toute pensée raciste, mais qui contribue à enfermer l’homme noir dans des stéréotypes : le noir comme « grand enfant », symbole du « cool », « véritable bête physique » dans le sport, etc. Le film va même plus loin dans la dénonciation en rapportant de façon habile et frappante la vampirisation de la culture noire américaine par la communauté blanche. Bref, cest pour moi une vraie réussite. Je vais donc suivre ce Mr Peele avec grande attention, car son film (sa création devrais-je dire, puisqu'il écrit et réalise) contient les graines d'un cinéaste très talentueux.
J'ai tout bonnement adoré.